Le piège de la thérapie

Quand la quête du changement nous éloigne de nous-mêmes

"Le changement apparait lorsque le sujet devient ce qu'il est, non lors qu'il essaie de devenir ce qu'il n'est pas". 

Arnold Beisser, Théorie paradoxale du changement

Aller en thérapie, c’est répondre à un appel intérieur : celui de comprendre, de guérir, de se transformer. C’est un mouvement profondément humain, une envie d’aller vers plus de clarté, de paix, de liberté.

Pourtant, sur ce chemin, un piège subtil peut se glisser : celui de vouloir devenir meilleur à tout prix, jusqu’à s’oublier soi-même dans le processus.

La quête du « mieux » et de devenir "sa meilleure version"

Quand une personne démarre une psychothérapie, souvent, elle ressent l'envie et le besoin de « changer » : changer son comportement, ses schémas, ses réactions, apprendre à se connaitre, mieux gérer ses émotions, etc. Jusqu'à la tout va bien...

Mais, parfois, cette intention peut se transformer en exigence : celle d’être et devenir "meilleur" ou la "meilleure version de soi". Une version plus consciente, plus alignée, plus « saine ».

A ce stade, la thérapie peut devenir une quête de performance intérieure, une course vers une version idéalisée de soi. Cette quête peut alors nous éloigner de l’essence même du travail thérapeutique : la rencontre avec ce qui est, ici et maintenant.

Ce mouvement, bien qu’animé par une intention bienveillante, peut devenir une nouvelle forme de pression. Comme si la guérison ou la valeur personnelle dépendait de la capacité individuelle à évoluer. Pourtant, la thérapie n’est pas un concours de croissance personnelle. Elle est avant tout un espace pour respirer, déposer, ressentir, et se rencontrer avec soi sans condition.

Le risque de s’oublier

Chercher à devenir meilleur, c’est parfois refuser d’être tel que l’on estC’est vouloir corriger, réparer, effacer certaines parts de soi jugées « pas assez bien ». 

Or, ces parts ont souvent besoin d’être reconnues avant d’être transformées. Elles portent une histoire, une fonction, une émotion qui demande à être entendue. En les rejetant, on entretient la même logique de lutte intérieure qui, paradoxalement, nous maintient dans la souffrance.

Le travail thérapeutique invite au contraire à accueillir ces zones d’ombre, à leur offrir un espace d’écoute. C’est souvent dans cette reconnaissance que quelque chose se détend, que la transformation devient possible, non pas par effort, mais par ouverture.

Le processus avant le résultat

La thérapie n’est pas un escalier vers une version parfaite de soi. C’est un chemin vivant, fait d’avancées, de retours, de pauses, de découvertes. Le processus est en lui-même transformateur. 

C’est dans la traversée — pas dans l’objectif — que le changement s’opère.

Chaque prise de conscience, chaque émotion reconnue, chaque silence partagé fait partie du mouvement. Il n’y a pas de bonne manière d’avancer, pas de rythme idéal. Certains moments semblent stagnants, d’autres bouleversants. Mais tous participent à la construction d’un lien plus doux et plus vrai avec soi-même.

Apprendre à se rencontrer, c’est accepter que le changement ne soit pas linéaire, ni toujours visible. C’est reconnaître que la transformation se tisse dans la lenteur, dans la présence, dans l’accueil. C’est aussi apprendre à faire confiance à ce qui se vit, même quand cela ne ressemble pas à ce que l’on imaginait.

L’acceptation de soi comme point d’ancrage

Accepter ne veut pas dire renoncer à évoluer. Accepter c’est "cesser de se battre contre soi", ou autrement dit "faire la paix avec soi". 
C’est reconnaître que la personne que l’on est aujourd’hui mérite déjà respect et attention, soin et douceur, amour et reconnaissance. La personne que l'on est aujourd'hui est déjà suffisante, elle est assez. 

C’est à partir de cette reconnaissance que le changement devient possible. 

L’acceptation ouvre un espace de paix intérieure. Elle permet de respirer là où, auparavant, il n’y avait que tension. Elle transforme la thérapie en un lieu de rencontre plutôt qu’en un champ de bataille

Conclusion

Le piège de la thérapie, c’est de croire qu’il faut devenir quelqu’un d’autre pour aller bien.
Le chemin vers soi consiste à redevenir pleinement soi. À rencontrer ce qui est vulnérable, imparfait et à l’accueillir avec bienveillance et bientraitance toutes les parties de soi. 

 Car finalement, le changement commence quand on cesse de vouloir changer et devenir quelqu'un qu'on n'est pas.

Fatima Moustakime, Gestalt praticienne 

Cabinet de psychothérapie humaniste à Clichy sous-bois (93) et en ligne

Le moment idéal pour commencer, c’est souvent maintenant.