Aux mamans qui ont porté la vie et son contraire et aux femmes déjà mamans dans leur cœur
La grossesse
Il existe des expériences qui laissent des traces inscrites dans notre corps, dans notre peau et dans notre chair. La grossesse en fait partie.
Dès la fécondation, l’ovule fécondé, minuscule, presque invisible, trouve refuge dans un corps prêt à devenir son lieu de vie pendant les prochains mois. Il descend vers l’utérus et s’y implante (dans la majorité des cas). C’est le début d’une véritable révolution intérieure. Quelque chose d’immense commence : le corps se met au travail, sans qu’on ait besoin d’y penser. Les cellules s’organisent, les hormones (en particulier la progestérone, les œstrogènes et la hCG ) s’élèvent brusquement, envoyant des signaux à tout le corps pour lui dire : « Hey, prépare-toi, une vie s’installe ! ».
Le volume sanguin augmente, le rythme cardiaque s’accélère légèrement. La poitrine devient plus sensible, parfois douloureuse, car les glandes mammaires se préparent déjà à l’allaitement… La fatigue, les nausées et les dégoûts alimentaires sont souvent les premiers signes visibles d’une grossesse apparente. Le corps travaille énormément alors que tout semble calme à l’extérieur.
Dans cette phase, beaucoup de femmes ressentent aussi un état particulier, qui peut se traduire par une forme d’hypersensibilité ou d’intuition plus fine, comme si le corps et la psyché s’ouvraient à une autre dimension du vivant.
La grossesse est une période de grande vulnérabilité pour la femme gestante, une mise à nu où tout est intensifié : les émotions, les sensations, les peurs, les projections, les élans… Comme si la vie, en s’installant, rendait tout plus vivant et plus sensible. La femme connecte avec sa puissance féminine de création.
On peut dire que porter la vie, c’est une expérience vertigineuse et magique. Cette expérience nous met face à la fertilité, à la naissance, à la vie, à ce qui est en train de pousser, à ce qui va naître… Le corps s’ajuste, le cœur se prépare, l’inconscient se met en mouvement.
La grossesse n’est pas seulement un phénomène biologique. C’est aussi un mouvement et un dialogue entre deux âmes : celle d’une mère en devenir et celle d’un être qui s’approche. C’est comme une danse subtile entre la vie et la possibilité de la vie. C’est, également, un mouvement psychique où la maman se prépare et se projette en tant que « mère » ou « pas mère ». La grossesse implique aussi un mouvement systémique, où tout se questionne : la place de l’enfant à venir, le moment, la famille…
On pourrait imaginer le processus de gestation, ou la grossesse, comme une danse divine entre plusieurs dimensions : biologique, médicale, systémique, transgénérationnelle et spirituelle.
Mais parfois, cette danse s’interrompt.
De manière volontaire ou involontaire… Quelquefois plus tôt, parfois plus tard… Un avortement, une fausse couche, une grossesse extra-utérine, une prééclampsie, un cœur qui cesse de battre…
La grossesse devient alors un canal entre la vie et la mort. La femme fait face, tout d’un coup, au tout et à sa polarité : entre le tout et le rien, en très peu de temps. Le corps se vide, le cœur se serre, et l’esprit cherche à comprendre ce qui vient d’arriver. Ces moments sont souvent marqués par la rapidité des événements. Un jour, la femme était enceinte et le lendemain, elle ne l’est plus. Un jour, elle portait la vie ; le lendemain, elle est vide. Un jour, elle accueille; l’autre, elle fait le deuil.
Parler de la perte pendant une grossesse, c’est entrer dans un espace sensible, intime et parfois (voire souvent) silencieux depuis longtemps. Cet article c'est une tentative de mettre des mots sur une réalité intérieure que peu de femmes osent raconter par peur d’être rejetées, jugées ou de ne pas être rejointes ou comprises.
Le but n’est pas de raviver la douleur ou la souffrance que ces expériences ont pu laisser comme trace, mais de reconnaître la valeur de ces passages courts, de ces âmes furtives qui, sans naître pleinement, ont marqué à jamais la vie de ces mamans. Car toute âme qui approche la vie, même pour un instant, laisse une empreinte chez la mère et dans la lignée. Cette empreinte est un rappel que la transformation se tisse aussi dans les silences, dans les deuils invisibles, dans ces instants où la vie frôle l’éternité sans s’y poser.
La reliance féminine
En tant que Gestalt-praticienne, femme, mère, sœur et amie, j’ai souvent rencontré des femmes confrontées à cette épreuve silencieuse. Des mères qui ont porté la vie sans pouvoir la donner, et qui ont aimé sans jamais pouvoir serrer leur bébé dans leurs bras. Chaque grossesse, même interrompue volontairement, laisse une empreinte chez la mère. La perte d’une grossesse ne demande pas à être effacée, mais reconnue. La mémoire de cette expérience cherche un lieu où respirer, être nommée, être intégrée.
Le deuil, quel que soit le moment où il survient, fait partie de ces passages qui restent souvent en suspens : entre la vie et la mort, entre l’amour et la perte. Le travail thérapeutique consiste alors à retrouver le contact : avec soi, avec son corps, et avec ce lien qui, même bref, a existé.
Il s’agit ici d’ouvrir un espace de sens — ou d’accueillir l’absence de sens — un espace de douceur et de reliance entre ces femmes déjà mères. De reconnaître ce qui a été vécu : dans le corps, dans le cœur, dans l’âme. Et d’offrir des chemins possibles pour traverser avec tendresse, conscience et respect.
J’espère que ces mots pourront t’accompagner comme une présence bienveillante, et te rappeler que, même si la vie s’est interrompue, l’amour, lui, ne disparaît jamais.
À toutes les femmes qui ont connu la perte, sous toutes ses formes.
À celles qui se sont senties seules, incomprises, coupables ou vidées.
À celles dont le ventre s’est apaisé trop tôt, dont le cœur s’est serré sans réussir à pleurer.
À celles qui ont choisi d’interrompre leur grossesse, et qui ont pourtant traversé la douleur, le vide ou la complexité de cette expérience.
Fatima Moustakime, Gestalt-praticienne
Cabinet de psychothérapie à Clichy sous-bois 93 et en ligne
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