On la redoute, on la fuit, parfois même on la recherche…
La solitude est une expérience universelle et inévitable dans la condition humaine.
Elle peut être douloureuse, vertigineuse, un espace de souffrance lorsqu'elle évoque l'abandon, le vide, l'isolement ou l'absence de lien. Mais elle peut également se révéler fertile et libératrice, un espace de rencontre avec soi, un moment privilégié pour se retrouver et écouter ce qui se perd dans le bruit du monde.
Le paradoxe de la solitude réside dans le fait que nous ne sommes jamais complètement seuls. En tant qu'êtres humains, nous faisons partie d'un tout, et nous sommes constamment reliés aux autres. Cependant, elle peut être ressentie même en étant entourés.
En Gestalt-thérapie, la solitude est souvent abordée comme une expérience à rencontrer et à apprivoiser. Elle ne se limite pas à la douleur. Elle peut être un passage, une opportunité de reconnexion et une source précieuse de ressources intérieures.
Comprendre les trois formes de solitude selon Irvin Yalom
Le psychiatre et psychothérapeute Irvin Yalom, figure emblématique de la thérapie existentielle, identifie trois formes de solitude. Ces distinctions offrent des clés pour mieux comprendre ce que nous ressentons lorsque nous disons : “Je me sens seul(e).”
1. La solitude intrapersonnelle
C'est une forme d'abandon de soi et envers soi-même. Elle parle de la distance qu'on entretien avec soi. On est dans ce qu'on appelle dans le langage courant "la perte de soi-même".
Dans cette forme de solitude, on se coupe de soi, de ses émotions, de son corps ou/et de son histoire. Il y a une forme d'inhibition de ses propres émotions, sensations, besoins et désirs.
Cette solitude n’est pas toujours consciente.
Elle se manifeste parfois sous la forme d’un vide, d’un désintérêt, d’une fatigue de soi.
En thérapie, la rencontre avec cette solitude ouvre souvent la voie vers la réconciliation intérieure, vers un lien plus doux et plus vrai avec soi-même. Elle nous invite à retrouver la relation à soi, avant même celle aux autres.
2. La solitude interpersonnelle
Eprouvé comme de la solitude et l'absence de l'autre, le manque du lien.
C'est le sentiment d'être solitaire, se sentir isolé de son environnement, pas entouré. En d'autres termes, c'est la forme de solitude qu'on ressent quand il nous manque quelqu'un, une présence, un lien, un regard.
Même entouré(e), on peut se sentir seul(e) si le lien n'est pas nourrissant et authentique.
Cette solitude parle de notre besoin fondamental de connexion et de lien : être vu(e), entendu(e), reconnu(e) dans ce que nous sommes. Elle nous invite à revisiter la qualité de nos relations, à sortir des apparences pour aller vers des liens plus vrais et plus alignés avec soi-même.
3. La solitude existentielle
C’est la plus profonde, et peut-être la plus difficile à accueillir.
Elle ne dépend d’aucune relation ni circonstance : elle est intrinsèque à la condition humaine.
C'est une forme de solitude qu'aucun lien ne peut combler malgré sa qualité. Elle participe à l'existence. Même aimés ou reliés, nous restons seuls face à la mort, à nos choix et à notre liberté. Nous vivons seuls notre propre relation à la mort et à la responsabilité.
Cet isolement existentiel est une source principale d'angoisse.
Cette solitude nous rappelle que personne ne peut vivre ou mourir à notre place.
La reconnaître et l'accepter, c’est se rapprocher d’une forme de liberté intérieure nous permettant un rapport plus conscient à la vie.
Habiter la solitude plutôt que la fuir
La solitude, lorsqu’elle est reconnue, accueillie et comprise, peut devenir un espace propice à l'écoute et de transformation.
En Gestalt-thérapie, nous apprenons à habiter cet espace : ressentir, nommer, et rencontrer ce qui émerge quand le lien semble manquer.
L'objectif de la thérapie c'est d'accueillir la solitude et développer chez la personne accompagné sa capacité à être seul(e) ainsi que l'aider à se rencontrer avec soi-même.
Dans la solitude, il y a la possibilité de recentrage. Elle nous confronte à nos manques mais aussi à notre capacité d'être en lien autrement avec nous-mêmes, avec la nature, et avec le sens de notre existence.
C’est souvent là, dans cet entre-deux, que quelque chose se transforme : une présence à soi plus claire, une ouverture nouvelle à l’autre, une conscience plus pleine de la vie.
Apprendre à habiter la solitude, plutôt que la fuir, c’est apprendre à la métamorphoser en présence. Une présence plus riche et plus ancrée à soi.
Conclusion
Se sentir seul(e) ne signifie pas toujours la même chose.
Parfois, c’est le signe d’un manque de lien. D’autres fois, c’est une invitation à revenir à soi. Et parfois encore, c’est le rappel silencieux de notre humanité.
Apprendre à distinguer ces formes de solitude, c’est déjà commencer à les apprivoiser.
Et c’est peut-être là, paradoxalement, que la rencontre devient possible :avec soi, avec l’autre, et avec la vie
Certains disent que "nous venons seuls au monde et nous mourons seuls…"
Or, nous portons tous en nous, la trace du lien de cette première fusion et dans la matrice qui nous a donné la vie. Nous ne venons pas seuls au monde, nous venons accompagnés. Et même quand nous partons et nous mourrons, une partie de nous reste dans le lien. Nous pourrions dire que nous venons du lien, même quand nous en éprouvons le contraire.
Etre seul, c'est peut-être aussi une manière symbolique d'être ensemble et avec.
Ensemble avec soi, et ensemble avec les autres. Et c'est à cet endroit que nous pouvons nous rejoindre dans ce même sentiment de solitude qui nous rassemble.
Fatima MOUSTAKIME, praticienne en Gestalt thérapie
Cabinet de psychothérapie à Clichy-sous-bois 93
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